1793

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21 janvier
Exécution de Louis XVI.
Il pleut sur Paris. Le jour se lève. Le roi déchu, lui, s'est levé dès cinq heures, après une nuit d'un sommeil paisible. A 10 h 22, Louis XVI est mort. Au petit matin du 21 janvier 1793, un bourgeois de Paris écrit : "Depuis cinq heures, on entendait le roulement sourd des canons et des caissons, le trot de la cavalerie, le pas régulier de la troupe ; c'est un événement qui se préparait". Louis XVI, le roi déchu, va mourir. La veille, c'est la municipalité de Paris qui s'est le plus activée. Les révolutionnaires s'interrogent : comment le peuple va-t-il réagir ? C'est tout de même la première fois dans l'histoire du pays qu'un roi va être exécuté. Et puis les royalistes ne vont-ils pas tenter quelque chose ? L'inquiétude est d'autant plus forte qu'en ce 20 janvier, le régicide Lepeletier de Saint-Fargeau a été assassiné par un ancien garde du roi vers 18 heures chez Février, restaurateur au Palais-Royal. Les révolutionnaires de la Commune de Paris et les sections parisiennes ont donc décidé d'employer les grands moyens. Il convient tout d'abord d'écarter du parcours que va emprunter l'ancien roi toute personne favorable à Louis XVI ou susceptible d'être par trop émue par son exécution : les royalistes donc, mais aussi les femmes réputées plus sensibles. Les sections décrètent : "Tout homme qui criera grâce ou qui s'agitera sans considération, sera arrêté et conduit en prison. Les femmes ne sortiront pas de chez elles. Les sections seront en armes à leurs différents postes". Il faut en effet que l'ancien roi, en se rendant sur le lieu du supplice, ne porte son regard sur sur des hommes en armes. La force armée a bien fait les choses : pas moins de douze mille hommes des sections parisiennes ont pris place le long du trajet au cours de la nuit. Place de la Révolution où doit avoir lieu l'exécution, quelque quatre-vingt mille hommes ­ gendarmes et gardes nationaux ­ sont à pied d'oeuvre. Ils disposent d'une artillerie conséquente : quatre-vingt-quatre pièces ! Les Parisiens sont conviés à adopter une attitude de "morne dignité". Louis XVI, le 18 janvier 1793Une affiche placardée sur les murs de Paris communique les voeux du maire Chambon : "Le glaive de la loi va frapper le plus grand et le plus coupable des conspirateurs. Vous avez conservé, citoyens de Paris, pendant le cours de ce long procès, le calme qui convient à des hommes libres ; vous saurez le garder encore au moment de l'exécution du tyran. Vous prouverez, par la sagesse de votre contenance, qu'un acte de justice ne ressemble point à la vengeance. Ce jour sera tout à la fois, pour les rois et pour les peuples, un exemple mémorable de la juste punition des despotes et de la morne dignité que doit conserver un peuple souverain dans l'exercice de sa puissance". La sentence a été communiquée à Louis XVI en ce dimanche 20 janvier 1793. Il était 14 heures lorsque ­ au deuxième étage de la grande tour du Temple ­ la porte de l'appartement du roi s'est ouverte sur une délégation d'une quinzaine de personnes dont le ministre de la Justice Garat et celui des Affaires étrangères Lebrun. On vient annoncer le jugement de la Convention. Un secrétaire est chargé de la lecture des décrets. Quatre articles : "Article Premier : la Convention nationale déclare Louis Capet, dernier roi des Français, coupable de conspiration contre la liberté de la Nation et d'attentat contre la sûreté de l'Etat. Article 2 : la Convention nationale déclare que Louis Capet subira la peine de mort. Article 3 : la Convention nationale déclare nul l'acte de Louis Capet, apporté à la barre par ses conseils, qualifié d'appel à la Nation du jugement contre lui rendu par la Convention. Article 4 : le Conseil exécutif provisoire notifiera le présent décret dans le jour à Louis Capet et prendra les mesures pour en assurer l'exécution dans les vingt-quatre heures". On tend le texte du décret à Louis XVI. Celui-ci le plie soigneusement, sort une lettre de son portefeuille, s'adresse au ministre de la Justice : "Monsieur, si la Convention accorde ma demande pour la personne que je désire, voici son adresse". Il s'agit d'un prêtre d'origine irlandaise qui n'a pas prêté serment constitutionnel, ouvertement royaliste donc, l'abbé Edgeworth de Firmont. Car le roi déchu veut pouvoir se confesser seul à seul avec un prêtre de son choix. La requête est acceptée. En revanche, deux autres demandes sont refusées : celle de disposer d'un "délai de trois jours pour pouvoir se préparer à paraître en présence de Dieu", celle de voir libérer sa famille. La Convention accède au désir de Louis Capet de revoir sa famille sans témoins. Néanmoins, la scène sera surveillée par des gardiens à travers la cloison vitrée qui ne laisse passer aucun son... Alors que l'abbé de Firmont est arrivé à la prison dès 19 heures, le roi s'en va une heure plus tard, faire ses adieux à sa famille : son épouse, la reine Marie-Antoinette, sa soeur, madame Elisabeth, le dauphin Louis XVII, et sa fille, madame Royale. Témoignage de Cléry, valet de chambre : "Il fut impossible de rien entendre ; on voyait seulement qu'après chaque phrase du roi, les sanglots des princesses redoublaient et qu'ensuite le roi recommençait à parler. Il fut aisé de juger à leurs mouvements que lui-même leur avait appris sa condamnation". Autre témoignage, celui de l'abbé irlandais : "Pendant un quart d'heure, aucun n'articula une parole et ce ne furent que des cris assez perçants pour être entendus hors de l'enceinte de la tour. Enfin les larmes cessèrent. On se parla à voix basse assez tranquillement". Louis XVI raconte comment s'est déroulé son procès, explique combien il a été surpris le premier jour par les questions du président de la Convention ; combien aussi la présence de son cousin, Philippe-Égalité, parmi ses juges l'a peiné. Il se tourne vers le dauphin : "Mon fils, promettez-moi de ne jamais songer à venger ma mort". L'enfant se tait, le père insiste : "Vous avez entendu ce que je viens de dire ? Jurez en levant la main que vous accomplirez les dernières volontés de votre père !". Le pauvre n'en aura pas l'occasion... L'entretien dure un peu plus de deux heures. Les gardes viennent peu après 22 heures chercher le roi. Louis dit à Marie-Antoinette : "Je vous assure que je vous verrai demain matin à 8 heures !". Elle : "Pourquoi pas 7 heures ?". Lui : "Alors 7 heures...". C'est un mensonge : lui sait bien que c'est leur dernière entrevue mais il veut épargner tant que faire se peut les siens. L'échafaud a été transféré vers la place de la Révolution, entre le piédestal de l'ancienne statue de Louis XV et le commencement des Champs-Élysées. Car l'on veut que la cérémonie ait de l'allure. Il est cinq heures et cela fait bien longtemps que Paris s'est éveillé. Deux hommes se font réveiller à ce moment précis : le bourreau Sanson par son aide, Louis XVI par son valet Cléry. Ce dernier coiffe le roi, longuement. Louis Capet ne mange rien : le jeûne du martyr. De six heures à sept heures, le roi se confesse, seul à seul avec l'abbé de Firmont, dans le cabinet de la tourelle du Temple. Louis XVI ensuite s'habille. Il donne l'impression d'être très calme. Son valet lui passe ses vêtements : une chemise fraîche, le gilet blanc cassé porté la veille, une culotte grise, un habit brun clair. Ensuite, il écoute la messe célébrée par l'abbé. Vers huit heures, la porte s'ouvre avec fracas. Santerre, commandant de la Garde nationale parisienne, fait irruption, suivi de quelques hommes. Le roi : "Vous venez me chercher ?". L'autre : "Oui". Les soldats sont au garde-à-vous. Louis XVI veut remettre son testament à l'un des membres de la délégation qui accompagne Santerre, Jacques Roux, prêtre rouge, chef de file des "Enragés". L'autre refuse : "Cela ne me regarde pas. Je ne suis pas ici pour faire vos commissions mais pour vous conduire à l'échafaud !". "C'est juste..." soupire le roi qui prend un dernier instant pour s'agenouiller dans son cabinet privé devant l'abbé de Firmont qui lui donne sa bénédiction. Une dernière faveur a été accordée au roi : la charrette des condamnés à mort lui a été évitée. C'est donc dans le carrosse du maire de Paris qu'il va au supplice. Deux gendarmes accompagnent le roi ; l'abbé Firmont est assis sur la banquette de devant. Antoine de Baeque, dans son livre "La gloire et l'effroi" écrit : "Louis XVI prie, murmurant la prière des agonisants, et rien, sur le trajet, ne vient rompre ce silence. La foule, contenue derrière les soldats, est muette comme prévu. Le trajet, dans des rues encore à demi obstruées par des plaques de neige, prend plus de deux heures, au pas lent des chevaux, des cent cavaliers de la gendarmerie qui précèdent le carrosse comme des cents cavaliers de la garde républicaine qui le suivent. Le carrosse parvient peu après 10 heures sur la place de la Révolution". La mort de Louis XVILouis XVI regarde longuement l'échafaud, achève sa prière. Jacques Roux note dans son procès-verbal : "Il a été trois minutes à descendre de voiture". Plus peut-être dans un silence assourdissant. Legros, l'assistant de Sanson et un officier municipal ouvrent enfin la porte du carrosse. On veut le lier ; dans un premier temps, le roi refuse : "Me lier ? Non je n'y consentirai jamais". L'abbé lui murmure : "Souffrez cet outrage comme une dernière ressemblance avec le Dieu qui va être votre récompense". Louis XVI se laisse faire, se dévêt de son habit, ouvre le col de sa chemise, dégage le cou, se laisse couper les cheveux qu'il porte habituellement courts sous la perruque. Ensuite, il gravit les marches de l'échafaud, appuyé sur son confesseur. Il veut s'adresser à la foule. Santerre lève son sabre. Les tambours se mettent à battre. Louis XVI veut parler, il frappe du pied : "Silence ! Faites silence !". Nul ne l'écoute. Lorsque les bourreaux l'attachent à la planche, il crie : "Peuple, je meurs innocent des crimes qu'on m'impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort, et je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France...". L'a-t-on entendu ? Rien n'est moins sûr à l'exception de ceux qui était tout près de lui. "Les roulement des tambours (ont couvert) sa voix tandis qu'il a un moment levé les yeux avant qu'on ne le couche sous le glaive qui a tranché ses jours". Un cri affreux, il est 10 h 22, le dernier roi des Français est mort. Le bourreau montre la tête tranchée. Des sectionnaires se précipitent pour tremper leurs épées et leurs piques dans le sang. On crie : "Vive la République ! Vive la Nation !". Des farandoles s'organisent. Le cadavre de Louis XVI est transporté sur-le-champ dans l'église de la Madeleine.

13 juillet
La mort de Marat (David) Assassinat de Marat.

5 septembre
La Convention met "la Terreur à l'ordre du jour". À l'appel de Barrère, elle décide de prendre toutes les mesures de circonstance propres à sauver la Révolution française. Il s'agit d'instaurer la Grande Terreur qui fera suite à la Terreur ordinaire inaugurée par les massacres de l'année précédente. Les décrets sortiront le 10 octobre. Ils seront précédés par la loi des suspects du 17 octobre qui menace tout le monde ou presque. Saint-Just décrète la Terreur "Le gouvernement de la France sera révolutionnaire jusqu'à la paix". Tels sont les termes du décret adopté le 10 octobre 1793 par la Convention, à l'instigation de Saint-Just (27 ans). Il fait suite à la proclamation du 9 septembre qui a mis "la Terreur à l'ordre du jour" et à la loi des suspects du 17 septembre. "Il est impossible que les lois révolutionnaires soient exécutées si le gouvernement lui-même n'est constitué révolutionnairement", lance Saint-Just à la tribune de l’Assemblée. Il accuse les fonctionnaires de corruption et à tout le moins de laxisme, notamment dans l'application de la loi sur le maximum général sur les salaires et les prix. En votant le décret du 10 octobre, la Convention consacre la dictature du Comité de salut public et accentue la Terreur inaugurée par les massacres de septembre 1792. La guillotine tourne à plein régime. A l'intérieur, les révoltes sont étouffées, Vendée mise à part. Lyon et Toulon se soumettent. Aux frontières, les armées reprennent vigueur. La Révolution avance dans le sang. La chute de Robespierre, le 9 thermidor an II, mettra un terme à la Grande Terreur.

29 septembre
Les députés de la Convention votent la loi du "maximum général". La Terreur arrive à son paroxysme. Le Comité de Salut public animé par Robespierre lutte de toutes les manières possibles contre les soulèvements paysans, les menaces de disette, les émeutes royalistes et la menace d'invasion étrangère. A Paris, les sans-culottes de la petite bourgeoisie d'artisans et de commerçants proclament haut et fort "Guerre aux accapareurs". La loi du maximum général bloque les salaires et les prix. Elle impose un prix maximum pour les produits de première nécessité, variable selon les régions et en général supérieur d'un tiers aux prix courants de 1790. Le maximum des salaires est quant à lui de moitié supérieur au niveau moyen de 1790. C'est la première fois qu'un gouvernement intervient de la sorte sur le marché. Il applique des peines très dures aux contrevenants, y compris la prison et la guillotine. Instantanément, les greniers et les magasins se vident de leurs marchandises. Chacun achète tout ce qu'il peut pendant qu'il est temps et les paysans dissimulent leurs récoltes plutôt que de les vendre à vil prix. Cette première forme d'économie administrée se solde par une impopularité sans précédent.

8 novembre
Exécution de Mme Roland.

10 novembre
Fête de la Liberté et de la Raison à Notre-Dame.
Lettre de Borie, représentant dans le Gard et la Lozère, au Comité de Salut Public (9 février 1794) :
"Je crois utile, citoyens collègues, de vous instruire que la fête de la Raison fut enfin célébrée hier à Nîmes pour la première fois. L'accord le plus parfait régna dans cette cérémonie ; l'affluence du peuple était très grande, et, malgré que le fanatisme soit très enraciné dans le département, il ne parut qu'un voeu pour fouler aux pieds tous les signes de la superstition.
"La cathédrale a été débarrassée de toutes les momeries papales ; elle est érigée en temple simple, mais majestueux, et tous les citoyens ont concouru à embellir la fête. Déjà les communes des campagnes s'empressent de suivre cet exemple, ou plutôt de le prévenir, car c'est une commune de campagne qui a donné l'essor. Les habitants de Nîmes reconnaissent en général que des hommes pervers avaient égaré le peuple lors du fédéralisme, dont le foyer, à ce qu'il me semble, était placé ici. Je ne négligerai rien pour reconnaître ses chefs, afin de leur faire subir les peines qu'ils ont méritées, mais je pense qu'il est juste que la Convention témoigne satisfaction aux bons citoyens qui concourent à m'aider dans une mission très délicate, et le nombre est très grand ; ce sont eux qui ont accouru dans le temple de la Raison, y ont contribué de tout leur pouvoir aux progrès de la raison, et ces progrès seront très rapides.
Salut et fraternité,
Borie
".

25 décembre
Robespierre présente son rapport sur les principes du gouvernement révolutionnaire.

début >> 1794