La Convention décrète l'arrestation de Robespierre qui est exécuté avec
Saint-Just le 28.
Robespierre mourant est guillotiné. La riche bourgeoisie est satisfaite,
les royalistes relèvent la tête, les « terroristes » respirent. La Révolution
est, en fait, terminée. Dans la journée qui suivit l'exécution de Robespierre,
la guillotine fonctionna à plein régime. Le 11 thermidor du calendrier révolutionnaire,
pas moins de soixante-dix membres de la Commune de Paris tous partisans
de Robespierre dûment répertoriés furent exécutés. Ce 28 juillet 1794
constitua ainsi le jour le plus sanglant de la Révolution. Au total, cent
six personnes furent les victimes du complot légal perpétré par la coalition
des ennemis de l'Incorruptible. Cette coalition était particulièrement hétéroclite.
Elle réunissait des révolutionnaires fort modérés représentant la moyenne
et la riche bourgeoisie, d'anciens partisans de Danton ou d'Hébert, des
représentants en mission « terroriste » sanctionnés par Robespierre pour
cause de cruauté ou de prévarication. Cela faisait évidemment beaucoup de
monde... Même les « sans-culottes » n'étaient plus aussi favorables
à l'Incorruptible et ce à cause du maximum, la fixation autoritaire du salaire.
Lorsque après la chute de Robespierre le maximum fut aboli, leur situation
se dégrada bien plus... A la veille du 9 thermidor, Robespierre apparaît
comme l'homme le plus puissant de la Révolution. Pourtant, cinq ans auparavant,
il était totalement inconnu du peuple parisien. Quatre jours après son élection
à la présidence de la Convention, Robespierre conduit la procession de la
première fête de l'Être suprême. Un mois auparavant, l'Incorruptible avait
fait adopter par la Convention le décret suivant : « Le peuple français
reconnaît l'existence de l'Être suprême et l'immortalité de l'âme ». Cette
fête de l'Être suprême avait suscité des réactions diverses... Robespierre
avait heurté le courant athée sans pour autant satisfaire les chrétiens.
Nombre de Conventionnels avaient cru percevoir dans cette initiative une
volonté de pouvoir personnel. Le malaise ambiant ne pouvait que croître
deux jours plus tard lorsque Couthon, autre ami de Robespierre, avait fait
voter la célèbre loi du 22 prairial concernant les « ennemis du peuple ».
Sont réputés ennemis du peuple ceux qui auront « provoqué le rétablissement
de la royauté..., cherché à avilir ou dissoudre la Convention nationale
et le gouvernement révolutionnaire et républicain dont elle est le centre
». Mais aussi ceux qui auront cherché « à dépraver les moeurs, à altérer
la pureté et l'énergie des principes révolutionnaires... ». Ce texte avait
de quoi inquiéter à peu près tout le monde. Il est vrai que les armées de
la Révolution étaient à la peine, le pays toujours menacé par l'Europe monarchique.
Au plan intérieur, cette loi visait selon toute vraisemblance quelque 300
000 propriétaires terriens opposés à la Révolution ou soupçonnés de l'être
dont les terres pourraient ensuite être distribuées aux plus pauvres...
En tous les cas, l'on assista à une aggravation de la Terreur. Jusqu'en
juin 1794, le Tribunal révolutionnaire de Paris avait ordonné 1251 exécutions.
Du 10 juin au 27 juillet, 1376 personnes furent exécutées. Fouquier-Tinville,
son grand homme, déclara : « Les têtes tombaient comme des ardoises ». Le
peuple eut « la nausée de l'échafaud ». Pendant ce temps, l'on conspire.
Se retrouvent dans une même aversion pour Robespierre des hommes sanguinaires
ou corrompus, anciens représentants en mission tels que Tallien ou Fouché,
Fréron ou Barras, des anciens dantonistes, quelques hébertistes rescapés.
Tout ce petit monde complote et met à profit les inquiétudes des députés
de la Plaine ou du Marais qui constituent l'immense majorité de la Convention.
Ajoutons à cela que le Comité de salut public ne comprend pas que des partisans
de Robespierre et que le Comité de sûreté générale lui est majoritairement
défavorable. Le 8 thermidor, Robespierre prend la parole à la Convention
d'où il a été absent plusieurs semaines durant. Discours très offensif qu'il
conclut en ces termes : « Disons qu'il existe une conspiration contre la
liberté publique ; qu'elle doit sa force à une coalition criminelle qui
intrigue au sein même de la Convention ; que cette coalition a des complices
dans le Comité de sûreté générale et dans les bureaux de ce Comité qu'ils
dominent ; que les ennemis de la République ont opposé ce Comité au Comité
de salut public et constitué ainsi deux gouvernements ; que des membres
du Comité de salut public entrent dans ce complot ; que la coalition ainsi
formée cherche à perdre les patriotes et la patrie ». Robespierre conteste
avec force l'accusation de dictature : « Ils m'appellent tyran. Si je l'étais,
ils ramperaient à mes pieds. Je les gorgerais d'or, je leur assurerais le
droit de commettre
des crimes, et ils seraient reconnaissants (...). Je suis fait pour combattre
le crime, non pour le gouverner. Le temps n'est point arrivé où les hommes
de bien peuvent servir impunément la patrie : les défenseurs de la liberté
ne seront que des proscrits, tant que la horde des fripons dominera ». D'abord
follement acclamé, l'Incorruptible est ensuite pris à partie, désavoué.
Surtout, il lui est demandé de désigner nommément ceux qu'il dénonce, ce
qui, naturellement, rassurerait tous les autres. Robespierre s'y refuse
: erreur fatale. Le soir même, il se rend au club des Jacobins. Robespierre
lit à nouveau son discours. Enthousiasme des Jacobins. Vers minuit, assuré
de son pouvoir, Robespierre rentre tranquillement chez lui. Pendant qu'il
dort, Fouché, lui, agit, tisse les ultimes fils de la conspiration. Le lendemain,
vers midi, Saint-Just monte à la tribune de la Convention. Il est immédiatement
interrompu par Tallien. Billaud-Varenne relaie celui-ci dans ses accusations
contre la « tyrannie » de Robespierre. Robespierre tente d'intervenir. Vacarme,
insultes. Finalement, Robespierre, Saint-Just, Couthon et le frère de Robespierre
sont arrêtés, emprisonnés. La Convention a également voté l'arrestation
du président du Tribunal révolutionnaire, Dumas, et du commandant en chef
de la Garde nationale, Hanriot. En quelques heures, la Révolution va basculer.
D'abord, la Commune de Paris passe à l'insurrection et délivre les prisonniers
qui se réfugient à l'Hôtel de Ville. Mais Hanriot n'arrive qu'à rallier
une minorité de sections parisiennes. Robespierre semble frappé de léthargie
: croit-il vraiment que la Convention va changer d'avis, solliciter son
pardon ? En tous les cas, il n'en est rien. Barras, chargé par la Convention
de rassembler les sections les plus modérées, encercle l'Hôtel de Ville
dans la nuit du 9 au 10 thermidor. Robespierre est capturé, la mâchoire
fracassée (tentative de suicide ou coup de pistolet du gendarme de dix-neuf
ans, Merda ?) avec le dernier carré de ses partisans. Le 28 juillet, à cinq
heures et demie de l'après-midi, on fait monter vingt-deux condamnés à mort
dans trois charrettes. Pour se rendre du palais de justice à la place de
la Révolution, le cortège mettra une heure et demie. Robespierre le jeune
et Couthon sont mourants, l'Incorruptible est presque aussi mal en point.
Sur leur passage, des « personnes de la meilleure classe » manifestent bruyamment
leur joie. Dans les faubourgs ouvriers, les gens sont restés chez eux :
« Les faubourgs boudaient mais ne bougeaient pas ». Au terme du voyage,
à vingt-deux reprises, le couteau de la guillotine s'abat... C'est la fin
de la Terreur ? C'est surtout la fin de la Révolution. L'historien Louis
Saurel énumère les cinq effets majeurs de la chute de Robespierre : le retour
au pouvoir de la bourgeoisie d'affaires ; la fin de la République démocratique
et égalitaire avec, entre autres, le remplacement du suffrage universel
par le suffrage censitaire ; la fin de la surveillance du commerce et de
l'industrie par l'État ; la résurrection du parti royaliste ; le glissement
vers le césarisme : Bonaparte est dans l'antichambre du pouvoir… |