Discours du roi lors de
la séance royale
du 23 juin 1789
1er discours - 2nd discours - 3ème discours
Messieurs, je croyais avoir fait tout ce qui était en mon pouvoir pour le bien de mes peuples, lorsque j'avais pris la résolution de vous assembler ; lorsque j'avais surmonté toutes les difficultés dont votre convocation était entourée ; lorsque j'étais allé, pour ainsi dire, au-devant des voeux de la nation, en manifestant à l'avance ce que je voulais faire pour son bonheur. Il semblait que vous n'aviez qu'à finir mon ouvrage, et la nation attendait avec impatience le moment où, par le concours des vues bienfaisantes de son souverain, et du zèle éclairé de ses représentants, elle allait jouir des prospérités que cette union devait leur procurer. Les Etats-Généraux sont ouverts depuis près de deux mois, et ils n'ont point pu encore s'entendre sur les préliminaires de leurs opérations. Une parfaite intelligence aurait dû naître du seul amour de la patrie, et une funeste division jette l'alarme dans tous les esprits. Je veux le croire, et j'aime à le penser, les Français ne sont pas changés. Mais, pour éviter de faire à aucun de vous des reproches, je considère que le renouvellement des Etats-Généraux, après un si long terme, l'agitation qui l'a précédé, le but de cette convocation, si différent de celui qui rassemblait vos ancêtres, les restrictions dans les pouvoirs, et plusieurs autres circonstances, ont dû nécessairement amener des oppositions, des débats, des prétentions exagérées. Je dois au bien commun de mon royaume, je me dois à moi-même de faire cesser ces funestes divisions. C'est dans cette résolution, Messieurs, que je vous rassemble de nouveau autour de moi ; c'est comme le père commun de tous mes sujets, c'est comme le défenseur des lois de mon royaume, que je viens en retracer le véritable esprit, et réprimer les atteintes qui ont pu y être portées. Mais, Messieurs, après avoir établi clairement les droits respectifs des différents ordres, j'attends du zèle pour la patrie, des deux premiers ordres, j'attends de leur attachement pour ma personne, j'attends de la connaissance qu'ils ont des maux urgents de l'Etat, que dans les affaires qui regardent le bien général, ils seront les premiers à proposer une réunion d'avis et de sentiments, que je regarde comme nécessaire dans la crise actuelle, qui doit opérer le salut de l'Etat. |
J'ai voulu aussi, Messieurs, vous faire remettre sous les yeux les différents bienfaits que j'accorde à mes peuples ; Ce n'est pas pour circonscrire votre zèle dans le cercle que je vais tracer ; car j'adopterai avec plaisir toute autre vue de bien public qui sera proposée par les Etats-Généraux. Je puis dire, sans me faire illusion, que jamais roi n'en a autant fait pour aucune nation : mais quelle autre peut l'avoir mérité par ses sentiments, que la nation française ! Je ne craindrai pas de l'exprimer : ceux qui, par des prétentions exagérées, ou par des difficultés hors de propos, retarderaient encore l'effet de mes intentions paternelles, se rendraient indignes d'être regardés comme Français. |
Vous venez, Messieurs, d'entendre le résultat de mes dispositions et de mes vues ; elles sont conformes au vif désir que j'ai d'opérer le bien public ; et si, par une fatalité loin de ma pensée, vous m'abandonniez dans une si belle entreprise, seul, je ferai le bien de mes peuples ; seul, je me considérerai comme leur véritable représentant ; et connaissant vos cahiers, connaissant l'accord parfait qui existe entre le voeu le plus général de la nation et mes intentions bienfaisantes, j'aurai toute la confiance que doit inspirer une si rare harmonie, et je marcherai vers le but auquel je veux atteindre avec tout le courage et la fermeté qu'il doit m'inspirer. Réfléchissez, Messieurs, qu'aucuns de vos projets, aucunes de vos dispositions ne peuvent avoir force de loi sans mon approbation spéciale. Ainsi, je suis le garant naturel de vos droits respectifs ; et tous les ordres de l'Etat peuvent se reposer sur mon équitable impartialité. Toute défiance de votre part serait une grande injustice. C'est moi, jusqu'à présent, qui fais tour le bonheur de mes peuples ; et il est rare peut-être que l'unique ambition d'un souverain soit d'obtenir de ses sujets qu'ils s'entendent enfin pour accepter ses bienfaits. Je vous ordonne, Messieurs, de vous séparer tout de suite, et de vous rendre demain matin chacun dans les chambres affectées à votre odre, pour y reprendre vos séances. J'ordonne en conséquence au grand-maître des cérémonies de faire préparer les salles. |