Cahier des plaintes et doléances
de la communauté d'Uchau
sénéchaussée de Nîmes

14 mars 1789

Retour

 

Sa Majesté sera très humblement suppliée d'ordonner la suppression de tous les privilèges attribués à tous les fonds de terre réputés nobles, quelle que soit la qualité de leurs possesseurs ; et que les impositions de toute nature, royales, provinciales, diocésaines et municipales, soient supportées par tous les fonds de terre indistinctement, d'après le tarif du cadastre.

Attendu que ce premier genre d'impôt ne frappe que sur les biens-fonds, et qu'il est juste que les capitalistes et gens à portefeuille concourent aux besoins de l'Etat relativement à leur fortune, Sa Majesté sera encore suppliée de déterminer, dans sa sagesse, tel règlement qu'elle jugera nécessaire pour autoriser les municipalités de son royaume à comprendre dans le rôle des impositions, d'une manière relative à celles des biens-fonds, les fortunes pécuniaires de tous les sujets du Roi.

D'accorder à la province de Languedoc une nouvelle constitution et une nouvelle administration, composée des députés des trois ordres librement élus, afin qu'elle soit véritablement représentative desdits trois ordres de ladite province, et que le Tiers état aura le même nombre de représentants que les deux autres ordres réunis du Clergé et de la Noblesse ; et qu'on y délibérera non par ordre, mais par tête des délibérants.

D'ordonner que, conformément aux anciennes lois de l'Eglise et à l'administration primitive des revenus affectés aux ecclésiastiques, les décimateurs soient obligés de laisser annuellement, dans l'étendue de leurs bénéfices, une portion déterminée de leur dîme, pour être appliquée à la subsistance des pauvres.

D'ordonner la suppression de tous les droits de sortie imposés sur les vins du bas Languedoc, attendu que cette denrée, formant la principale ressource de cette partie de la province, les Génois et autres étrangers qui achètent les vins profitent de cette circonstance pour les acheter à un plus bas prix.

De défendre la sortie des mules et chevaux hors du royaume, parce qu'elle produit une rareté et une cherté qui accable tous les habitants des provinces méridionales.

Que cette communauté, ayant éprouvé une émigration des sujets non catholiques de Sa Majesté, par l'effet de la révocation de l'édit de Nantes en 1685, et ceux qui restent desdits sujets non catholiques, qui sont en grand nombre, ayant reçu une marque particulière de la protection de Sa Majesté, par un édit du mois de novembre 1787 (édit restituant l'état-civil au protestant), en portant au pied du trône la respectueuse reconnaissance qu'ils partagent avec le reste des Français, ne peuvent s'empêcher de supplier Sa Majesté d'étendre ses bienfaits jusqu'à révoquer entièrement les exceptions portées par le susdit édit (liberté du culte, accès aux charges publiques), et de Lui faire remarquer qu'il ne peut résulter qu'un très grand avantage, pour tout le royaume, de la suppression de ces exceptions, que l'équité et le droit naturel ne doivent plus laisser subsister.

Enfin, Sa Majesté sera très humblement suppliée de rapprocher la justice des justiciables, et de remettre, en particulier, cette communauté dans le même état où elle était avant qu'elle fût distraite du bailliage et marquisat de Calvisson, pour que la justice soit administrée dans le présent lieu d'Uchau comme on l'administrait avant la réunion de la juridiction au bailliage et viguerie de Marsillargues.

Sa Majesté sera très humblement suppliée encore de révoquer la milice en temps de paix ; et que si en temps de guerre on a besoin d'hommes, il soit permis à chaque communauté de le faire par la voie de l'imposition.

(22 signatures).