Cahier des doléances
de la paroisse de Peumerit-Cap

7 avril 1789 - 1 200 hab. en 1790

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Les paroissiens de Peumerit... instruits des vues bienfaisantes de Sa Majesté qui veut traiter ses sujets en vrai père du peuple. en les invitant tous sans distinction à porter, au pied de son trône, leurs remontrances, plaintes et doléances, afin de connaître les besoins de tous et chacun d'eux en particulier, d'apporter un remède prompt et salutaire aux maux de l'Etat et d'assurer à son peuple une entière félicité, ont tous unanimement arrêté de lui demander avec confiance ce qui suit :

Que Sa Majesté soit le protecteur, le soutien et l'appui de la religion catholique, apostolique et romaine, surtout dans ce siècle malheureux où les moeurs sont moins pures que jamais, la suppliant, à cet effet, de ne permettre l'exercice d'aucune religion étrangère dans l'Etat et duché de Bretagne.

Ils demandent instamment que Louis XVI, notre bon roi, lui et ses successeurs en ligne directe règnent en vrais monarques, suivant les lois fondamentales de la monarchie; qu'il ne soit mis d'autres entraves à leur autorité qui puissent les empêcher de faire rejaillir sur leur peuple les douces influences de leur bonté.

Que le Tiers Etat de la province de Bretagne soit représenté, tant aux Etats généraux qu'aux Etats provinciaux, par un nombre de députés qui égalera en nombre les deux premiers ordres réunis, lesquels députés ne pourront être nobles, procureurs fiscaux, ni ecclésiastiques ; qu'on vote par tête, non par ordre.

Que le Clergé et la Noblesse contribuent avec le Tiers à l'entretien des grandes routes.

Qu'il n'y ait plus de tirage au sort, que les miliciens, garde-côtes et matelots soient désormais faits par engagements libres et à prix d'argent. C'est le moyen de conserver aux familles ce qu'elles ont souvent de plus précieux et de plus nécessaire.

Que la capitation, rôles des fouages (impôt levé sur chaque feu ou groupe de personne vivant autour d'un foyer commun, devenu une unité fiscale plus ou moins arbitraire) et autres charges pécuniaires soient toutes comprises dans un seul et même rôle, sur lequel seront également portés MM. les ecclésiastiques et les nobles, et que le contribuable d'icelui soit désormais capité sur un taux proportionné à son opulence, ce qui nécessairement diminuera la capitation du peuple.

Que les pensions et autres dons accordés à la Noblesse ne soient plus à la charge du Tiers, mais à la charge des nobles seulement.

Que le droit de baillée à domaine congéable (tenure dont le fonds appartenait au seigneur, et les édifices ou superficies - maisons, arbres, clôtures, etc. - au tenancier ; celui-ci pouvait être congédié, à charge par le seigneur de lui rembourser la valeur de ses édifices et des améliorations qu'il aurait faites. Le sens de ce voeu semble être que les seigneurs renoncent, contre indemnité, à pouvoir congédier au profit de tiers) soit affranchissable à prix d'argent, excepté envers le seigneur, ainsi que les droits de moute et toutes les corvées seigneuriales.

Que les francs-fiefs (droit payé par les roturiers possesseurs d'un bien noble en compensation du service militaire auquel ils n'étaient pas astreints) soient absolument anéantis comme droits odieux et vexatoires, le service militaire ne se faisant plus gratis par les gentilshommes.

Nos campagnes sont presque nues, le bois y diminue à vue d'oeil ; les seigneurs ou propriétaires fonciers négligent totalement les plantations. Le moyen le plus efficace pour faire revivre ce goût serait de permettre à tous les domaniers (tenanciers de biens à domaine congéable) de couper, planter et semer à leur volonté, leur laissant la jouissance des plantations et semis qu'ils auront faits.

Demandent que les roturiers puissent être admis à posséder, dans la société, tout emploi civil ou militaire, le mérite devant l'emporter sur la naissance. Ce sont là les doléances que les habitants de cette paroisse désirent présenter au monarque. Ce sont là les voeux qu'ils osent former pour la conservation, l'honneur et la fidélité du peuple français.

Fait et arrêté, en la sacristie de l'église paroissiale de Peumerit, sous les signes des dits Brun, Plouzennec, Coroller, Cavenet et Tanguy et celui du soussigné requis, les dits jour et an.

Allain TANGUY, Pierre COROLLER, Pierre LE GOF, Alain PLOUZENNEC, Alain LE BRUN, LEHARS adjoint et requis.