1789
(de juillet à décembre)

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2 juillet

20 à 30 000 soldats de régiments étrangers Les  suisses au Champs-de-Mars (12 juillet)sont rassemblés autour de Paris, sous l'autorité de Broglie. Le régiment du Royal-allemand est cantonné à Passy et dans le bois de Boulogne, plusieurs régiments de gardes-françaises et de hussards à Versailles ou à Saint-Cloud, celui de Provence-infanterie à Saint-Denis, celui de Nassau à Choisy. A Paris même, on a formé un camp au Champ-de-Mars, composé des régiments de Salis-Samade, Diesbach et Château-Vieux. Le train d'artillerie est installé à l'Hôtel des Invalides qui se trouve aussi dans un état de défense. Le Roi qui crée un ministère dit "de combat", a pris connaissance de l'adresse de l'Assemblée au peuple de Paris, et y répond avec la plus grande fermeté, condamnant sans réserve le coup de main populaire, suspendant toute mesure de clémence à un prompt rétablissement de l'ordre. A Paris, la foule ne cesse de manifester et de s'assembler au Palais-Royal. Parmi les orateurs, Jean-Paul Marat, auteur d'un pamphlet le 1er juillet pour mettre en garde le peuple contre toute provocation qui pourrait entraîner l'irréparable : "O mes concitoyens ! Observez la conduite des ministres : leur objet est la dissolution de l'Assemblée, leur unique moyen est la guerre civile... Ce n'est pas pour vous contenir, c'est pour vous exciter à la révolte qu'ils vous environnent de l'appareil formidable des soldats, et des baïonnettes ! Soyez paisibles, tranquilles, soumis au bon ordre, et vous vous jouerez de leur horrible fureur".


4 juillet
Le gouverneur de la Bastille écrit à Laurent de Villedeuil, secrétaire d'Etat de la Maison du Roi, au sujet du marquis de Sade : "J'ai l'honneur de vous rendre compte qu'ayant été obligé hier, à cause des circonstances actuelles, de suspendre la promenade sur les tours, que vous aviez eu la bonté d'accorder au Sr de Sade, il s'est mis hier à midi à sa fenêtre, et a crié de toutes ses forces, et a été entendu de tout le voisinage et des passants, qu'on égorgeait, qu'on assassinait les prisonniers de la Bastille, et qu'il fallait venir à leur secours. Il a récidivé ses cris et ses plaintes bruyantes. Il est tel moment où cet homme serait très dangereux à avoir ici et où il nuirait au bien du service. Je crois devoir vous représenter, Monseigneur, qu'il serait bien nécessaire de transférer ce prisonnier à Charenton ou dans quelque maison de ce genre, où il ne pourrait pas troubler l'ordre, comme il le fait ici sans cesse ; ce serait le moment de nous soulager de cet être que rien ne peut réduire, et sur qui aucun officier major ne peut rien gagner. Il est impossible de lui rendre la promenade sur les tours, les canons sont chargés, cela serait du danger le plus éminent. Signé : DELAUNAY."

8 juillet
Sur l'initiative de Mirabeau, l'Assemblée décide l'envoi d'une adresse au roi pour lui demander l'éloignement des troupes : "Sire, nous vous en conjurons, au nom de la patrie, au nom de votre bonheur et de votre gloire, renvoyez ces soldats aux postes d'où vos conseillers les ont tirés. Renvoyez cette artillerie destinée à couvrir vos frontières. Renvoyez surtout les troupes étrangères, ces alliés de la nation que nous payons pour troubler nos foyers. Votre Majesté n'en a pas besoin : pourquoi un monarque adoré de 25 millions de Français ferait-il accourir à grands frais autour du trône quelques milliers d'étrangers ?". Le roi répond qu'elles n'ont "d'autre objet que maintenir la tranquillité publique, et que dès que le repos serait établi et assuré, les troupes se retireraient". A Versailles, quelques échauffourées ont lieu contre la population, soutenue par des gardes-françaises. Ce régiment semble gagné à la cause du peuple et plusieurs soldats ont déjà déserté. Les hussards ont été assiégés au manège des Petites-Ecuries, dont les fenêtres ont été brisées par des pierres. Les soldats suisses, pour leur part, ont reçu défense d'adresser la parole à aucun soldat des gardes-françaises sous peine de passer par les verges. Ceux des autres corps recevront cent coups de plat de sabre. Pourtant, même parmi les régiments les plus disciplinés, comme les Royal-cravates ou le Royal-d'artillerie, certains soldats fraternisent avec le peuple ; certains même seront reçu le 11 au Palais-Royal où le peuple leur offrira à déjeuner.

9 juillet
Le peuple poursuit dans le Palais-Royal un marchand qui voulait arrêter un jeune homme, sous prétexte qu'il avait été fouetté et marqué. Conduit chez le commissaire, il se trouve que le jeune homme est un garçon honnête et que le mouchard est lui-même marqué sur les deux épaules. Le peuple l'enlève aux soldats qui le conduisaient en prison, le traîne au Palais-Royal, le jette dans le bassin, le promène ensuite dans quelques rues et aurait fini par l'assommer si la garde n'était parvenue à le délivrer. Bien des gens soupçonnent qu'il avait été payé pour provoquer une émeute. Dans l'après-midi, quelques hussards se présentent au Palais-Royal (propriété du duc d'Orléans où la police ne peut intervenir) et essuient quolibets et huées de la foule. Deux autres sont poursuivis aux Tuileries. Enfin, dans la soirée, deux jeunes officiers de hussards se hasardent dans la promenade du Palais-Royal. La foule les entoure et les insulte. Ils mettent le sabre à la main et se frayent un chemin parmi la foule. L'un d'eux est Arnaud de Polignac, l'un des plus opposés aux idées nouvelles.

11 juillet
Le roi adresse une 1ère lettre à Necker le priant de bien vouloir lui proposer pour la suite des événements un autre plan que le système qu'il avait conçu jusque-là, et qui paraissait mener à des conséquences très sérieuses. Necker ayant répondu qu'il n'avait pas d'autre conseil à donner au roi, celui-ci lui adresse une seconde lettre vers 16 h, par laquelle il lui enjoint de quitter le royaume dans les 24 h et lui recommande de partir avec le plus de discrétion et de célérité possibles. Rentré chez lui à 17 h, Necker dissimule avec sang-froid le message qu'il vient de recevoir. Il déclare à sa femme, devant tout le monde, qu'il a la tête lourde et qu'il désire faire un tour de promenade. A la sortie, ils trouvent leur voiture et partent avec 5 h et demi, sans même prévenir Mme de Staël, leur fille, qui ne se doute de rien. De là, ils gagnent leur maison de campagne d'où ils repartent le lendemain vers Bruxelles.

12 juillet
Les ministres sont congédiés à l'exception de Barentin, garde des Sceaux et de Laurent de Villedeuil, secrétaire d'Etat.
Desmoulins appelle aux armesAu Palais Royal, la foule grossit d'heure en heure, à la recherche de propositions d'action. Sortant du café de Foy, vers 15 h, Camille Desmoulins bondit sur une table et appelle au armes en brandissant un pistolet : "Citoyens, vous savez que la nation avait demandé que Necker lui fût conservé. On l'a chassé !... Après ce coup, ils vont tout oser et, pour cette nuit, ils méditent peut-être une Saint-Barthélémy des patriotes. Aux armes ! Aux armes ! Prenons tous des cocardes vertes couleur de l'espérance !". Il se saisit d'une feuille d'arbre et l'accroche à son chapeau en guise de cocarde, aussitôt imité par le peuple. Des manifestants se forment en cortège et courent sur les boulevards fermer les théâtres. Chez Curtius, qui tient un musée de cire, on prend les bustes de Necker et du duc d'Orléans qui sont promenés sur les boulevards, voilés de crêpe pour signifier la mort de la Liberté. Place Vendôme, devant les hôtels des fermiers généraux, ce cortège se heurte à un détachement du Royal-Allemand qui l'oblige à se disperser. On compte un mort, un garde-française. Pendant ce temps, aux Tuileries, le prince de Lambesc reçoit l'ordre de faire évacuer le jardin. Des civils sont blessés, l'émeute éclate et des gardes-françaises prennent partie pour le peuple. Les parisiens courent chercher des armes. Persuadés que les autorités de la ville cachent un arsenal à l'Hôtel de Ville, les émeutiers s'y précipitent. L'assemblée des électeurs qui y siège en permanence ne peut les empêcher de se saisir de quelques fusils, mais elle hésite à cautionner l'insurrection. Entre-temps, des gardes-françaises se sont échappés des casernes où Besenval les tenait consignés. Vers 18 h, ils mettent le Royal-allemand en déroute, tuant 3 soldats pour venger leur camarade. Besenval n'ose plus faire bouger ses régiments. Livrée aux émeutiers, la ville s'embrase. Les barrières de l'octroi sont incendiées et mises à sac.

13 juillet
Vers 6 heures du matin, le tocsin sonne dans Paris. Craignant d'avoir à affronter une riposte militaire, la foule réclame des fusils. Elle pille les armureries et se précipite au couvent Saint-Lazare dans l'espoir d'y trouver du blé. Elle en profite pour libérer les détenus de la prison qui se mêlent aussitôt à la cohue.
A Versailles, les députés apprennent avec angoisse l'émeute parisienne et envoient une délégation au roi pour lui demander de rappeler les ministres congédiés et de retirer ses troupes. Celui-ci répond qu'il n'a pas de compte à rendre à l'Assemblée. Devant l'ampleur du danger, elle décide alors de siéger en permanence.
A Paris, les bourgeois qui président les districts nomment un Comité permanent sous l'autorité du prévôt des marchands, Jacques de Flesselles. Pour tenter de reprendre le contrôle du peuple, ils décident également de former une milice chargée de veiller à la sécurité publique.
Dans l'après-midi, une foule compacte se précipite au garde-meuble royal, situé place Louis-XV, pour y prendre des armes.

14 juillet
2 h du matin, la rumeur court que la rue Saint-Antoine serait envahie par 15 000 soldats, le massacre aurait déjà commencé. C'est une fausse alerte. Quelques heures plus tard, nouvelle alarme : le Royal-allemand se dirigerait vers la barrière du Trône, le Royal-croate sur le Fg Saint Antoine, d'autres se déplaceraient vers La Chapelle. L'obsession de la veille revient : il faut trouver des armes par n'importe quels moyens. Les Invalides en sont remplies. La veille, Charles Virot de Sombreuil, le gouverneur, avait refusé de livrer les fusils réclamés par une délégation des électeurs pour armer la nouvelle milice. Mais c'est bientôt une foule de plus en plus dense qui se dirige au centre de la ville, jusqu'à l'austère bâtiment. A 6 h, ils sont des milliers qui piétinent sur l'immense esplanade. Sombreuil veut parlementer, mais lorsqu'il ouvre la grille, la foule s'engouffre dans la cour, envahissant bientôt les bâtiments et descendant jusque dans les souterrains. Le pillage durera jusqu'à 14 h et les manifestants s'empareront de 32 000 fusils, sans cartouches, ainsi que de 12 pièces de canon et d'un mortier (pas un seul instant, les invalides ne se sont opposés au pillage ; quant aux troupes de Besenval, cantonnées au Champ-de-Mars, elles n'ont pas bougé d'un pouce et sont restées l'arme au pied). Les cartouches et les poudres étant entreposées à la Bastille, on décide de s'y rendre sans attendre.
A l'entrée du Fg Saint Antoine, là où se dresse l'énorme forteresse, une foule imposante s'est amassée depuis la veille au soir. Dès le petit matin, plusieurs centaines d'artisans, ouvriers du meuble pour la plupart, armés de piques, d'outils et de bâtons, sont venus devant la Bastille pour y réclamer de quoi faire des balles. De Launay, gouverneur de la Bastille, avait renforcé ses défenses depuis quelques jours et fait descendre dans les caves 250 barils de poudre que ses hommes avaient ramené de l'Arsenal. 30 soldats suissesLa prise de la Bastille avaient été adjoints à la garnison des 90 invalides qui gardaient habituellement les lieux. En voyant les bouches des canons pointées en direction du faubourg, la foule prend peur. On fait aussitôt avertir l'Assemblée des électeurs.
10 h, une députation des électeurs arrive sur les lieux, portant un arrêté du comité permanent : "Le comité permanent de la milice parisienne, considérant qu'il ne doit y avoir à Paris aucune force militaire qui ne soit sous la main de la ville, charge les députés qu'il adresse au commandant de la Bastille, de lui demander s'il est disposé à recevoir dans cette place, les troupes de la milice parisienne, qui la garderont de concert avec les troupes qui s'y trouvent actuellement". De Launay les fait aussitôt entrer et les invite à déjeuner. Pendant ce temps, les esprits s'échauffent et la foule grossit.
11 h 30, on entend des cris et les canons reculent. Pensant qu'on les charge, plusieurs hommes se précipitent jusqu'au siège du district voisin, annonçant qu'on allait tirer sur le peuple et que la délégation a été fait prisonnière. Dirigée par l'avocat Thuriot, une seconde délégation se présente devant la forteresse qui leur ouvre ses portes sans difficulté. Dehors, la foule s'impatiente.
12 h 30, Thuriot ressort, affirmant que les canons ne sont pas chargés et que le gouverneur a promis, si on ne l'attaque pas, de ne pas tirer. La foule le hue, jugeant qu'il n'avait pas obtenu la reddition de la garnison : "Nous voulons la Bastille ! En bas la troupe !".
13 h 30, des garçons, montés sur le toit de la boutique d'un parfumeur appuyée au chemin de ronde, sautent dans la cour du Gouvernement, face à la demeure de de Launay, et brisent à coups de hache les balanciers des chaînes auxquelles était attaché le pont-levis ; celui-ci s'abat avec fracas, tuant un homme au bord du fossé. En quelques minutes, des centaines d'émeutiers se ruent dans la cour en poussant des cris de victoire quand, tout à coup, éclatent des coups de feu. Fauchés par les balles, plusieurs manifestant s'effondrent. On crie à la trahison, pensant que le gouverneur a tendu un piège aux manifestants. La fusillade s'engage entre assiégeants et assiégés. De tous les faubourgs, accourent des hommes armés de la façon la plus hétéroclite.
14 h, une troisième délégation arrive de l'Hôtel de Ville pour demander à de Launay de faire cesser le feu, de livrer les armes au peuple et d'accepter qu'un détachement de la milice se joigne à la garnison de la forteresse. Bien qu'ils agitent leurs mouchoirs blancs, personne ne leur prêtent attention et la fusillade continue. Ethis de Corny est alors chargé d'exiger le cessez-le-feu et de remettre la Bastille à la milice bourgeoise. Un porte-drapeau et un tambour l'accompagnent. Arrivé sur les lieux, il parvient à faire évacuer la cour du Gouvernement. Un drapeau blanc est hissé sur la Bastille. Au moment où la députation approche, des coups de feu éclatent : un homme est abattu. La foule hurle, la députation se retire, on ne veut plus de négociations.
15 h 30, les émeutiers commencent à s'épuiser lorsqu'arrive une soixantaine de gardes-françaises, traînant derrière eux 5 canons, et 3 à 400 hommes armés, dirigés par un certain Hulin, ancien sergent aux gardes suisse. Au même moment, débouche une seconde colonne de citoyens armés, placés sous le commandement d'un sous-lieutenant dénommé Elie. Maillard se saisit du message de capitulationIls apportent les canons pris aux Invalides. Après avoir ouvert le feu contre les soldats, sur les remparts, ils transportent sous la mitraille deux canons dans la cour du Gouvernement face au pont-levis de la forteresse. "Bas les ponts ! Bas les ponts !" hurle la foule. A l'intérieur, de Launay veut donner l'ordre de faire sauter la Bastille, mais se heurte aux baïonnette des invalides qui exigent la reddition. Les assaillants se prépare à ouvrir, au canon, un chemin à l'intérieur de l'édifice, lorsqu'ils voient apparaître un papier par une fente de l'énorme porte. Ne pouvant l'atteindre sans que le pont-levis ne soit abaissé, on court chez un menuisier voisin d'où l'on rapporte des planches. On place la plus longue en travers du fossé, plusieurs émeutiers montent dessus pour faire contrepoids tandis qu'un cordonnier s'avance au-dessus du vide pour saisir le papier. Il perd l'équilibre et fait une terrible chute. Aussitôt, l'huissier Maillard s'élance sur la planche et se saisit du billet qu'il donne à Hulin. C'est la capitulation. Mais la foule la refuse, elle veut prendre la Bastille. Hulin cède et fait tirer le canon lorsque le pont s'abat brutalement. Poussés par la foule, Hulin et Elie y pénètrent les premiers, ne parvenant pas à empêcher la foule de s'attaquer aux invalides et de se répandre partout, pillant et détruisant tout sur leur passage, jetant les archives par les fenêtres. Les assaillants partent à la recherches des prisonniers. Ils en trouvent 7 (un complice du régicide Damien, détenu depuis 30 ans, un aristocrate fou, un criminel et 4 faussaires).
17 h, les émeutiers s'empare de de Launay qu'ils désirent mener à l'Hôtel de Ville. Sur le parcours, la foule réclament la mort du gouverneur et des soldats désarmés, tandis qu'on porte en triomphe les prisonniers délivrés. Au cours du trajet, 3 officiers de l'état-major de la Bastille, ainsi que 3 invalides, sont massacrés et de Launay sérieusement molesté, malgré Hulin qui tente de le protéger. "Il faut lui couper la tête !". "Il faut le pendre !". Lorsque le cortège parvient devant l'Hôtel de Ville, un cuisinier s'élance vers de Launay qui, déjà blessé, s'écrie "Qu'on me donne la mort !". En se débattant, d'un coup de genou, il atteint l'homme, un certain Desnot, aux parties ; celui-ci gémit "Me voilà perdu !". Aussitôt un inconnu porte un coup de baïonnette dans le ventre du gouverneur qui est bientôt lardé de coups de piques et achevé au pistolet dans le ruisseau. Le cuisinier, s'étant relevé, saisit son couteau de poche et entreprend de lui couper la tête sous les acclamations de la foule. C'est alors que Flesselles, le prévôt des marchands, sort de l'Hôtel de Ville. Accusé de trahison et de spéculation la foule marche sur lui, un individu sort son pistolet et lui tire froidement à la tête qu'on lui coupe aussitôt.
18 h, les têtes coupées, fichées sur des piques, ouvrent une procession triomphale de l'Hôtel de Ville au Palais-Royal, où à l'allégresse révolutionnaire se mêle toutefois un sentiment confus de honte et d'angoisse.
A Versailles, le roi est affecté par la défection des troupes. Dans l'après-midi, deux délégations de l'Assemblée lui font part de l'évolution de la situation à Paris. "L'objet de vos inquiétudes est bien propre à émouvoir le coeur de tous les bons citoyens et touche sensiblement le mien", déclare Louis XVI qui se contente de donner l'ordre aux troupes cantonnées au Champ-de Mars de se replier sur Saint-Cloud. Il part se coucher de bonne heure, mais le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, son grand maître de la garde-robe, le réveille pour lui faire un compte-rendu de la journée, le suppliant de prendre la situation en main et de se rendre dès le lendemain à l'Assemblée. "C'est une révolte", dit le roi. "Non, sire, une Révolution".

Nuit du 14 / 15 juillet
Paris se prépare à une attaque générale des régiments fidèles au Roi.

15 juillet
L e roi, entouré de ses deux frères, vient à pied annoncer à l'Assemblée nationale sa décision d'éloigner les troupes de la capitale puis regagne le château entouré par les députés.
Une délégation de 88 députés se rend à Paris pour dissiper les craintes des habitants et lit à l'Hôtel de Ville le discours de conciliation du roi. Bailly, acclamé, est élu 1er maire de la commune de Paris et La Fayette, général de la milice parisienne, baptisée garde nationale. La réception se termine par un Te Deum à Notre-Dame.
Au Havre, la foule en armes s'empare de la tour François-1er.
A Dijon, les habitants, après avoir pris la tour Saint Nicolas, installent un comité permanent tandis qu'une milice bourgeoise se forme sous la direction du capucin Eugène Schneider.

16 juillet
A l'Assemblée, Barnave, suite au débat sur le renvoi éventuel des ministres compromis dans le coup de force, reproche à Mounier de ne pas saisir qu'une révolution a eu lieu et de vouloir reconstruire un Etat avec des matériaux qui viennent d'être brisés - c'est la rupture politique entre les deux hommes.
Le Roi rappelle Necker.
Bailly fait désarmer les ouvriers.
L'assemblée des électeurs décide la démolition immédiate de la Bastille et confie le chantier à l'entrepreneur Palloy.
A Saint-Germain-en-Laye, un meunier, dénommé Sauvage, est tué, accusé par la foule de recel de blé.
A Rennes, des habitants menés par Joseph-Marie Sevestre (commis au greffe) et Moreau, s'emparent de la ville, la garnison étant passée sans résistance de leur côté.
A Versailles, début de l'émigration de la noblesse de cour (le comte d'Artois, les princes de Condé et de Conti, le maréchal de Broglie, Breteuil, Lambesc, les Polignac...).

17 juillet
A 15 h 30, le Roi se rend à Bailly présentant au roi les clefs de la ville de Parisl'Hôtel de Ville, traversant une foule dense, silencieuse, presque hostile, encore armée de fusils, de sabres et de piques. Devant sa voiture, La Fayette, sabre au clair, est précédé des canons de la Bastille. Craignant de ne pas revenir, Louis XVI a nommé Monsieur lieutenant général du royaume avant de quitter Versailles.
Il est reçu à l'entrée de la ville par le corps municipal et Bailly qui lui dit : "Sire, j'apporte à votre majesté les clefs de sa bonne ville de Paris ; ce sont les mêmes qui ont été présentées à Henri IV. Il avait reconquis son peuple : ici c'est le peuple qui a reconquis sont roi (...)". Arrivé à l'Hôtel de Ville, il reçoit une cocarde tricolore (nouveau signe de ralliement des Français imaginé par La Fayette) des mains de Bailly et la fixe à son chapeau. Ce geste est accueilli par des cris de joie tandis que des citoyens, de leur sabre levé, forme une voûte de lames entrelacées sous laquelle le roi passe avant de pénétrer à l'intérieur de l'édifice. On crie "Notre roi, notre père !", mais le roi garde le silence et, après avoir entendu quelques discours, se contente de clôturer la séance par ces mots : "Mon peuple peut toujours compter sur mon amour".
Le comité de l'Hôtel de Ville fait placarder dans tout Paris l'affiche suivante : "La circulation est rétablie dans l'intérieur de Paris, et sur les routes, de manière que toutes les voitures bourgeoises ou publiques ne doivent être arrêtées par aucune patrouille - Les patrouilles posées aux barrières, pour la sûreté de la perception des droits, n'arrêteront que la sortie des subsistances et les convois d'armes - Les spectacles seront ouverts, et les promenades publiques fréquentées comme à l'ordinaire - Les boutiques, les ateliers, seront rendus à leur activité ordinaire, et tous les citoyens sont invités avec insistance de répandre le calme et l'ordre, et de poursuivre avec vigueur tous les perturbateurs du repos public - Enjoint aux patrouilles de tenir la main à l'exécution du présent arrêté".

18 juillet
Le comité permanent de l'Hôtel de Ville est remplacé par un comité provisoire, composé de 60 membres élus dans l'assemblée des électeurs, et divisé en 4 bureaux (distribution, police, subsistances, comité militaire).
L'assemblée des électeurs de Paris arrête : "Que les ouvriers sont invités à reprendre leurs travaux ; et qu'en rapportant un certificat de leurs maîtres, ou chefs d'ateliers, portant qu'ils ont repris leurs travaux, et un certificat du district, portant qu'ils ont déposé leurs armes dans le dépôt indiqué par le district, il leur sera payé une somme de 9 livres ; savoir : dans 3 jours, à compter du présent arrêté, 6 livres à ceux qui auront rapporté une arme à feu, et 3 livres à ceux qui n'auront pas rapport une arme à feu ; et huitaine après, les 3 livres restantes à chaque ouvrier, sans distinction. L'assemblée déclare s'en rapporter à la prudence des districts à l'égard des ouvriers journaliers et autres qui, n'ayant aucun maître, aucun chef d'atelier, seront dans l'impossibilité de rapport un certificat de reprise de travail. La présente proclamation sera imprimée et affichée.

23 juillet
Le remplaçant de Necker est pendu près de l'Hôtel de Ville par une foule en colère. Après le renvoi de Necker, le choix du Roi s'est porté sur un intendant des armées puis des finances, Foullon de Doué, et son beau-fils, l'intendant Bertier de Sauvigny. En pleine période de disette, on l'accuse d'accaparer du blé et de vouloir la "hideuse banqueroute". On va le chercher à Juvisy pour le juger à Paris. Un cri suffit à le pendre : "A la lanterne". La foule excitée le pend à la corde qui soutient l'un des guinguets qui éclairent les rues la nuit. A deux pas de l'Hôtel de Ville, il paie de sa vie la maladresse du Roi. Marat s'élèvera contre cette justice sans tribunal.

Juillet
la Grande Peur s'empare de la Province -
- le 20 juillet, la rumeur circule qu'une troupe de dragons serait en route vers Nantes, pour mater la récente révolte municipale. Sans attendre, les hommes dévalisent les armureries pour aller à leur rencontre. Aussitôt, les paysans qui les rencontrent les prennent pour une dangereuse bande armée ;
- le 24 juillet, à Romilly (Champagne méridionale), on prend un troupeau de vaches pour une bande de brigands ;
- le 28 juillet, à Ruffec (Sud Ouest), on prend très au sérieux les menaces proférées par des religieux quêteurs insatisfaits.
Dans la majeure partie de la France le tocsin sonne, colportant la panique de village en village. Partout on "voit" des bandes armées à la solde de l'aristocratie qui chercherait à profiter du trouble ambiant. C'est l'occasion ou jamais pour les paysans de goûter à cette liberté qu'a connu Paris. Aussi, attaquent-ils les châteaux, brûlent les titres justifiant des droits seigneuriaux, n'hésitant pas à blesser ou à tuer les propriétaires récalcitrants. Les aristocrates et bourgeois détenteurs de droits seigneuriaux, se sentant menacés par les révoltes paysannes, n'hésiteront pas à faire appel à la garde nationale pour mater dans le sang la rébellion...

4 août
Sous la pression des troubles paysans, l'Assemblée nationale vote un acte législatif qui porte le coup de grâce au système des ordres. Pour éviter de compromettre l'unité des forces révolutionnaires tout en préservant le caractère sacré de la propriété bourgeoise, des députés du "club breton" affirment que les droits seigneuriaux sur les biens fonciers représentent un type particulier de propriété et ne sont pas intangibles étant donné qu'ils sont fondés sur une appropriation ou des actes de violence illégitimes. Lors de la séance de nuit du 4 août, le vicomte de Noailles (qui, à titre propre, ne possède pas de domaines) propose de renoncer sans dédommagement aux corvées, au servage et aux servitudes personnelles imposées aux paysans. Chaque député surenchère sur son voisin, si bien que l'assemblée décide d'abolir tous les privilèges et toutes les servitudes féodales. On effectue cependant une distinction entre les servitudes personnelles et les droits concernant la propriété foncière. Tandis que les premières sont effectivement abolies, l'Assemblée déclare que les intérêts fonciers, dont le métayer est redevable au propriétaire du sol, sont seuls rachetables. Un grand nombre de paysans, trop pauvres pour verser des dédommagements aux propriétaires des droits, passent donc seulement de l'état de serf corvéable à celui de valet salarié. Ils devront attendre les lois agraires de la Convention jacobine (juin 1793) pour voir la suppression intégrale de la féodalité.

6 août
Le peuple fait décharger un bateau de poudre au port de Saint Paul à Paris.

26 août
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La déclaration, dont chaque article a été longuement discuté dans la semaine passée, exprime les idéaux et les valeurs culturelles de la bourgeoisie triomphante : "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits" qui sont la liberté, la sécurité, la propriété et la résistance à l'oppression. Elle est fondée sur un humanisme exempt de tout lien avec la religion et s'adresse à toutes les nations du globe. Robespierre souligne qu'elle a "créé des principes juridiques universels, intangibles et imprescriptibles qui devaient être appliqués à toutes les nations". La déclaration des droits de l'homme consacre les libertés relevant du droit naturel et indépendantes de l'Etat. La garantie des droits civils est dans la souveraineté populaire et donc dans la participation du citoyen, politiquement actif, aux affaires publiques. Le bien-être de la communauté dépend de la sécurité juridique et de l'inviolabilité de chaque individu. Tous les citoyens ont le droit de concourir "personnellement ou à travers leurs représentants" à la législation, de même que tous ont accès à toutes les charges et dignités publiques sans considération de leur origine. On ne peut être accusé ni incarcéré en dehors des cas fixés par la loi devant laquelle tous les citoyens sont égaux. Chacun est considéré innocent aussi longtemps qu'il n'est pas convaincu d'avoir commis un délit et ne peut être condamné qu'en vertu de la loi. Aucune loi ne peut avoir d'effet rétroactif. Tous les serviteurs de l'Etat doivent rendre des comptes à la société. La liberté d'expression orale et écrite est autorisée aussi longtemps qu'elle ne trouble pas "l'ordre déterminé par la loi". Enfin, l'expropriation n'est possible que si "la nécessité publique" l'exige et "contre une juste indemnité déterminée par la loi". Ce dernier article confirme la légitimité du rachat des droits féodaux.

7 septembre
Des femmes d'artistes offrent leurs bijoux pour aider à payer la dette publique, à l'Assemblée. Mme Moitte, présidente de la députation déclare que "la régénération de l'Etat sera l'ouvrage des représentants de la Nation ; et la libération de l'Etat doit être celui du patriotisme. Lorsque les Romaines firent hommage de leurs bijoux au Sénat, c'était pour lui procurer l'or nécessaire à l'accomplissement du voeu fait à Apollon par Camille, avant la prise de Veies. Les engagements contractés envers les créanciers de l'Etat sont aussi sacrés qu'un voeu. La dette publique doit être scrupuleusement acquittée, mais par des moyens qui ne soient pas onéreux au peuple. C'est dans ces vues que des femmes d'artistes viennent offrir à l'auguste Assemblée Nationale des bijoux qu'elle rougiraient de porter, quand le patriotisme en commande le sacrifice. Eh ! quelle est la femme qui ne préférera l'inexprimable satisfaction d'en faire un si noble usage, au stérile plaisir de contenter sa vanité ? Notre offrande est de peu de valeur, mais dans les arts on cherche plus la gloire que la fortune. Notre hommage est proportionné à nos facultés, et non aux sentiments qui nous l'inspirent. Puisse cet exemple être suivi des citoyennes dont les fortunes sont supérieures aux nôtres ! Il le sera, Messieurs, si vous daignez établir, dès à présent, une caisse nationale pour recevoir tous les bijoux et toutes les sommes dont le fonds sera destiné à l'acquittement de la dette publique". Elles remettent : 93 jetons d'argent à différentes empreintes et différents modèles, 3 gobelets d'argent de différente grandeur, dont deux à pied, 24 boutons d'argent ouvragés à jour, et plusieurs autres objets de ce genre, 4 paires de bracelets en or, dont 2 paires garnies en perles fausses, un seul desdits bracelets portant un chiffre en or, 3 médaillons en or, propres à renfermer des portraits, 5 boîtes de montre en or, 3 chaînes de montre en or dont 2 garnies de trois breloques, 8 bagues ou anneaux d'or, 3 paires d'anneaux d'oreilles, 2 paires de myrza, 7 breloques, un cachet à pierre, 2 coulans de bourse, une pièce de chaîne, 5 dés à coudre, une croix et un coeur en or, 1 cordon de montre en or, 1 couteau en nacre portant 2 lames dont une d'or, 1 souvenir en or émaillé, 5 étuis d'or, dont 3 à plumes et 2 à aiguilles, 1 aiguille à tambour, en écaille garnie en or, 2 boîtes de femme en or, 1 médaille d'or portant l'empreinte de Frédéric V, roi de Danemark et 1 bourse renfermant seize louis d'or.

10 septembre
La commune de Paris porte l'effectif de la garde de la halle au blé, cible d'émeutes quotidiennes, à 600 hommes.

11 septembre
L'Assemblée décide d'accorder au roi un veto suspensif pendant deux législatures. La mesure a été adoptée par 575 voix contre 325. C'est là une concession important obtenue notamment sur l'initiative des députés Barnave, Alexandre et Charles de Lameth, et surtout La Fayette. En échange, on espère bien que le roi consentira à sanctionner les décrets du mois d'août consacrant l'abolition des privilèges. Robespierre, refusant toute ingérence du roi dans la législation, qualifie le veto suspensif de "monstre impensable aussi bien moralement que politiquement".

12 septembre
1er numéro du "Publiciste parisien ou l'Ami du Peuple" de Marat.

13 septembre
A Orléans, des émeutes font 90 morts. Le lendemain, en guise de protestation, les orléanais enlèvent leurs cocardes.

16 septembre
Marat annonce, dans "L'Ami du Peuple", qu'une fraction importante de l'Assemblée nationale veut saboter l'oeuvre du renouveau national. Dans tout Paris, des processions commémore la prise de la Bastille On chante et on danse jusqu'au lendemain matin.

27 septembre
A Notre Dame de Paris, bénédiction solennelle des drapeaux de la garde nationale (60 bataillons et 14000 hommes, 230 hommes environ par bataillon).

1er octobre
Au cours d'un banquet offert par les gardes du corps aux officiers du régiment de Flandre et qui se déroule dans la grande salle des spectacles du château de Versailles, des soldats ivres piétinent la cocarde tricolore devant le Roi et la Reine.

3 octobre
A Paris, lors d'une réunion des Cordeliers, Danton appelle les parisiens à prendre les armes.

5 et 6 octobre
Les parisiens s'inquiètent devant le retard apporté par le roi à la ratification des résolutions prises par l’assemblée dans la nuit du 4 août et craignent que l'arrivée de deux régiments à Versailles n'annonce une réaction. Le 5 au matin, Marat écrit dans son journal : "Les faits nous manquent pour prononcer si c'est une conjuration réelle. Mais fut-elle chimérique, tous les bons citoyens doivent se montrer en armes, envoyer de nombreux détachements pour enlever toutes les poudres d'Essone. Chaque district doit retirer ses canons de l'Hôtel de Ville. La milice nationale n'est point assez dépourvue de sens pour ne pas sentir qu'elle ne doit jamais se séparer du reste des citoyens ; que, loin d'obéir à ses chefs, s'ils s'oubliaient au point de donner des ordres hostiles, elle doit s'emparer d'eux. Enfin, si le péril devenait imminent, c'est est fait de nous si le peuple ne nomme pas lui-même un tribun, et s'il ne l'arme pas de la force publique". Les rumeurs les plus folles continuent à courir, favorisées par la longueur des attentes aux portes des boulangeries. "Le Fouet national" va jusqu'à écrire, le 4, que "les bons parisiens ont toutes les peines du monde à avoir du pain. Il n'y a que monsieur Réverbère qui puisse leur en procurer et ils dédaignent de recourir à ce bon patriote". La nouvelle de ce qu'il s'est passé au banquet offert le 1er octobre à Versailles aux régiments nouvellement arrivés suffit à mettre le feu aux poudres.
Le 5 octobre dans la matinée, sept à huit mille femmes, armées de piques et de sabres, se mettent en route pour Versailles dans l’intention d’aller "chercher du pain". Des chômeurs se joignent au cortège et une compagnie des vainqueurs de la Bastille ferme la marche.
Vers 13 h,Les journées d'octobre un second cortège se met en branle.
Vers 16 h, le premier cortège arrive à Versailles. Disposant de troupes sûres, le roi peut faire arrêter l’émeute mais sur le conseil de Necker, il se contente de faire fermer les grilles du château et laisse la foule envahir l’Assemblée, où une délégation de 15 femmes présidée par Maillard adjure les députés de sévir contre les accapareurs. Les députés acceptent de soutenir une délégation de femmes auprès du roi conduite par Mounier. Le roi promet de ravitailler Paris, mais lorsqu'à 18 h, le second cortège parvient à Versailles, il ne peut éviter que la grille des grandes écuries soit forcée et que la foule ne s'empare des chevaux.
A 19 h, les émeutiers s'installent sur la place d'Armes pour y passer la nuit.
A minuit, La Fayette, parti de Paris vers 17 h, arrive à Versailles. Après avoir déclaré au roi qu'il pensait "qu'il valait mieux venir ici, mourir au pieds [du roi] que de périr inutilement place de Grève", il part inspecter les rues de Versailles et revient soulagé par le calme qui y règne.
Au matin du 6, un garde du corps pris à parti par le peuple tire et tue un jeune engagé de la garde nationale. C'est l'émeute. Des gardes du corps sont tués et les manifestants forcent les grilles du château pour pénétrer jusqu'aux appartements de la reine où ils sont arrêtés par La Fayette. Ce dernier persuade le roi de se montrer au balcon où, pour apaiser la fureur populaire, il ne peut qu'accepter de venir à Paris avec sa famille.
A 13 h, la famille royale part pour Paris, précédée par les têtes des gardes du corps fichées sur des piques et accompagnée de 50 à 60 voitures de grains ou de farines. Au terme d'un voyage de neuf heures pour couvrir la distance de Versailles à Paris, le cortège parvient aux portes de Paris, où Bailly adresse au roi le discours suivant : "Sire, C'est un beau jour que celui où Votre Majesté vient dans sa capitale, avec Son Auguste Epouse, avec un Prince qui sera bon et juste comme Louis XVI. Permettez, Sire, au Maire de Paris de vous exprimer le voeu de la capitale. Les moments que Votre Majesté nous donne, quelque courts qu'ils soient, nous sont précieux, mais c'est sa présence habituelle que nous désirons; ce sont tous ses moments que son peuple demande. Si Votre Majesté daigne nous accorder cette grâce, la capitale recouvrera le plus beau et le plus cher de ses avantages; enfin sous le règne de Louis XVI, le Roi sera puissant par son peuple et le peuple heureux par son Roi". Le roi lui répond en proclamant la confiance qu'il a dans sa bonne ville de Paris, puis, après un bref passage à l'Hôtel de Ville, il s'installe aux Tuileries. Dix jours plus tard, l'Assemblée décide de venir le rejoindre en faisant de la salle du Manège des Tuileries le lieu de ses séances.

8 octobre
Mounier, auteur des trois premiers articles de la déclaration des droits de l'homme et farouche partisan du droit de veto suspensif, quitte Paris pour se retirer en Dauphiné, effrayé par les "journées d'octobre".

10 octobre
L'Assemblée nationale vote un décret transformant le titre de "Roi de France et de Navarre" en "Roi des Français".

14 octobre
A l'Assemblée nationale, une députation des juifs d'Alsace vient réclamer les droits de hommes et de l'équité contre le fanatisme et l'oppression.

21 octobre
La droite de l'assemblée réussit à faire voter la loi martiale à la suite du meurtre du boulanger François, à Paris, accusé de spéculer sur le blé. Celle-ci enjoint à tous les officiers municipaux de faire régner l'ordre public dans les communes dont ils sont responsables. Pour décréter la loi martiale, ils doivent faire dresser un drapeau rouge à la principale fenêtre de l'hôtel de ville et, en même temps, à tous les carrefours de la ville. A ce signal, tout attroupement, avec ou sans armes, sera considéré comme criminel, et sera dissipé par la force par les gardes nationales ou les troupes de la maréchaussée. Il sera fait trois sommations de se retirer. La première en ces termes : "Avis est donné que la loi martiale est proclamée, que l'on va faire feu, que les bons citoyens se retirent !". A la deuxième et troisième sommation, il suffira de répéter ces mots : "On va faire feu ! que les bons citoyens se retirent !". Alors seulement les attroupements seront dispersés par les armes. En protestation, des membres de la garde nationale font parvenir une pétition à l'Assemblée nationale et affirment qu'ils ne porteront pas leur uniforme tant qu'elle ne sera pas abolie.

22 octobre
Les députés de l'Assemblée nationale entament la discussion sur le droit de vote.

26 octobre
La tribune destinée au public s'effondre sur les députés. Il y a des blessés.

29 octobre
Bien que Robespierre, Duport, l'abbé Grégoire ou Dupont de Nemours penchent pour le suffrage universel, la majorité, dont l'abbé Sieyès, se décide pour le suffrage censitaire qui écarte les citoyens les plus pauvres du vote. Ainsi, pour voter, il faut :
- être né français ou l'être devenu ;
- avoir 25 ans ;
- être domicilié dans son arrondissement depuis au moins 5 ans ;
- payer un impôt d'au moins trois journées de travail ;
- ne pas être domestique.

2 novembre
A 568 contre 346 voix (40 abstentions), les députés déclarent :
"1° que tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la Nation, à la charge de pourvoir, d'une manière convenable, aux frais du culte et à l'entretien des pauvres ;
2° que, dans les dispositions à faire pour subvenir à l'entretien des ministres de la religion, il ne pourra être assuré aux dotations des curés moins de 1 200 livres par année, non compris le jardin et dépendances
".

7 novembre
L'Assemblée nationale vote, sur l'initiative de Blin et Lanjuinais, un décret interdisant aux députés en exercice de devenir ministres. Cette mesure vise directement Mirabeau dont le jeu politique inquiète les députés.

12 novembre
Afin d'officialiser les nombreuses communes révolutionnaires surgies spontanément depuis le 14 juillet, l'Assemblée nationale décide que chaque ville, chaque bourg, chaque paroisse du royaume formera désormais une municipalité. Le chef de chacune s'appellera un maire et il sera entouré d'officiers municipaux. Maires et officiers municipaux seront désignés lors d'élections qui auront lieu de janvier à mars prochain. Paris bénéficiera d'une organisation spéciale.

14 novembre
Necker demande à l'Assemblée nationale 170 millions qu'il se propose de trouver en transformant la Caisse d'escompte en Banque nationale. Mirabeau se déclare contre et emporte les suffrages des députés.

15 novembre
Mounier donne sa démission à l'Assemblée nationale.

19 novembre
Un décret de l'Assemblée nationale décide que les biens du clergé sont "mis à la disposition de la nation" et seront vendus, ainsi que les domaines de la couronne, à l'exception des forêts et des maisons royales dont le roi veut se réserver la jouissance. Les biens ecclésiastiques, devenus des biens nationaux, alimenteront une "Caisse de l'extraordinaire".

21 novembre
Lavoisier présente à l'Assemblée le bilan de la Caisse d'escompte qui accuse un passif de 27 510 000 livres.

28 novembre
Desmoulins fonde, avec l'appui financier de La Fayette, "Les Révolutions de France et de Brabant".

Fin novembre
La "Société des Amis de la Constitution" s'installe rue Saint-Honoré dans le couvent des Jacobins, et de fait se rebaptise le "Club des Jacobins".

1er décembre
Les marins de Toulon se mutinent, après le renvoi de deux maîtres d'équipage.

5 décembre
Des pauvres pillent le bois de Boulogne pour se chauffer. En réaction, l'Assemblée décide le 11, de placer les forêts, bois et arbres sous la sauvegarde de la nation.

21 décembre
Assignat de 200 Livres (1790)L'Assemblée nationale décide l'émission, par la Caisse de l'extraordinaire, d’un emprunt de 400 millions de livres en assignats remboursables en biens nationaux. Ces billets, émis en coupures de 1 000 livres, portent intérêt à 5 % et 170 millions d'entre eux seront remis à la Caisse d'escompte en remboursement de ses avances au Trésor.

22 décembre
L'Assemblée vote le décret d'organisation des départements dont elle a émis le principe le 9 décembre : ils auront à leur tête, élus par les citoyens actifs, un conseil de 8 membres, un directoire de 8 membres et un procureur-syndic chargé de l'application des lois.

25 décembre
Le marquis de Favras, ancien garde du corps de Monsieur, frère du roi, est arrêté pour avoir fomenter un complot visant à enlever la famille royale et à assassiner La Fayette et Bailly. Monsieur est soupçonné d'avoir commandité le complot.

début >> 1790